Il ne s’agit guère d’un roman, encore moins d’un film. Il s’agit d’une réalité quelque part sous les tropiques. L’avenir d’un homme au destin incontestable semble déranger les princes du royaume. Le tout-puissant roi ordonna à sa cour de condamner, quelque soit le motif, l’homme dont la brillance de son étoile aveuglait sa majesté. Quelque soit le motif, disait-il.  Et une condamnation à la peine maximale pour éteindre la lumière qui scintille, la lumière qui luit…

Voilà, le sort réservé à l’ancien ministre des finances de Yayi qui, somme toute, apparaît comme l’homme politique le plus dérangeant pour le régime de la rupture depuis 2016.  Jamais de mémoire d’homme, aucun homme politique béninois n’aurait été traqué.

En effet, sous le fallacieux prétexte de la lutte contre la corruption, Komi Koutché subit, à n’en point finir, les tracasseries judiciaires les plus folles de notre pays.

Déjà en 2017, le conseil des ministres délibère deux rapports d’audit dont un sur le coton et l’autre sur le fonds national de la microfinance. Le conseil des ministres à l’époque transformé en chambre d’accusation met en cause la responsabilité de Komi Koutché pour dans de supposés rapports d’audit pour lesquels il n’avait jamais été écouté. Joseph Djogbenou alors Ministre de la justice a été instruit pour engager des poursuites judiciaires. En aout de la même année, Komi Koutché saisit la cour constitutionnelle de deux différents recours : un concernant le supposé rapport d’audit du coton et l’autre sur le recours sur Fnm. Le moyen évoqué était la violation de ses droits au contradictoire exigé pour toute procédure d’audit.
Le
05 Décembre 2017, la cour constitutionnelle alors présidée par le Professeur Holo vide le recours relatif au coton et déclare que le gouvernement a violé la constitution. Quant au recours relatif au FNM, il n’a pu être étudié car le gouvernement n’avait pas répondu aux mesures d’instruction de la cour.

Le 07 Juin 2018, Joseph Djogbenou Ministre de la justice chargé de poursuivre Komi Koutche dans le dossier s’installe comme Président de la cour constitutionnelle.

 Le 06 décembre 2018, la cour Djogbenou exhume le recours de Komi Koutché sur le FNM et procède à un revirement ciblé de jurisprudence déclarant que le fait de n’avoir pas été écouté lors d’une procédure d’audit n’est pas une violation de la constitution.

Quelques mois plus tôt le 02 avril 2018, Komi Koutche a été convoqué par le juge d’instruction du premier cabinet du tribunal de première instance de Cotonou pour le 04 avril 2018. Komi Koutché vivant à l’étranger n’a pu se présenter dans ce délai. Il s’en suit alors la signature d’un mandat d’arrêt par le juge le 04 avril 2018.

Le 06 avril 2018, Komi Koutché se présente au juge. Ce dernier ne trouve aucun motif de son arrestation comme le demandait le procureur. Il annule par ordonnance le mandat d’arrêt du 04 avril 2018. Il fera par la suite, l’objet d’une procédure disciplinaire. C’est dans cette foulée que nait en juillet 2018 la CRIET et le dossier KK sera transféré à cette nouvelle Cour. Le 27 Aout 2018, le gouvernement décide de l’annulation du passeport ordinaire de Komi Koutché et ordonne par un message radio les unités de police de procéder à son arrestation extrajudiciaire.

Le 14 décembre 2018, Komi Koutché fut arrêté à Madrid sur une notification frauduleuse à Interpol de la perte de son passeport. Le gouvernement certifiera conforme le même jour le mandat d’arrêt du 04 avril 2018 déjà annulé par le juge et le transmettra à Interpol. Une demande d’extradition a été transmise le même jour.  Conscient du faux opéré pour l’arrestation, un nouveau mandat d’arrêt de régularisation a été émis le 27 décembre 2018  sous le prétexte que Komi Koutché n’aurait pas répondu à une convocation de la CRIET le 18 décembre 2018 alors qu’il était déjà incarcéré à Madrid. Une demande additive d’extradition a été introduite auprès de la justice espagnole.

 Le 17 janvier 2019, le juge d’instruction espagnole en charge du dossier met Koutché en liberté.

C’est alors que le 23 avril 2019 sans possibilité d’appel, la haute cour en matière pénale en Espagne rejette la demande d’extradition de Komi Koutché avec pour principal motif que les infractions allégées n’ont pu être justifiées, que la CRIET n’offre pas des assurances d’un jugement équitable, que les principes élémentaires de droit seraient violés en ce que le juge ordinaire qui avait en charge le dossier a été dessaisie au profit d’une nouvelle juridiction spéciale. La justice espagnole conclut qu’il s’agit d’une persécution politique.

Le 02 Juillet 2019, nterpol, lors de sa 109eme session après étude par son département légal sur la base du rapport de la commission du contrôle des fichiers conclut à dossier politique et décide de radier toutes les données concernant Komi Koutché dans sa base. Il notifie également à toutes ses unités dans le monde que toute collaboration policière sous un prétexte de coopération international serait une violation de la constitution de Interpol. La position d’autres unités de police criminelle comme celle de la France et de la Guinée vont dans le même sens .

Le 22 Juillet 2019, Komi Koutché sera privé de tout droit d’obtention de pièce administratives et d’état civile dans son pays.

Le 24 Septembre 2019, le dossier Komi Koutché sera renvoyé devant la chambre criminelle de la CRIET. Les avocats ont élevé un second pourvoi dans le dossier.

 Le 30 septembre , le gouvernement recrute pour le compte de la cour suprême 5 magistrats retraités sur une vingtaine de dossier. Ceci pose le problème de capacité à être objectifs des 5 magistrats retenus. Curieusement, c’est en ce moment que le dossier sera activé à la cour suprême et comme par hasard, c’est l’un des 5 magistrats retraités rappelés qui en sera le rapporteur ; c’est à ces anciens nouveaux magistrats que le dossier FNM sera confié.

 Et le 14 Novembre 2019, deux avocats des cabinets de Joseph Djogbenou et de Quenum Severin demandent une abréviation de délai de la procédure, ce qui leur a été accordé par la cour suprême.

Le 02 Décembre 2019, la cour africaine des droits de l’homme ordonne au gouvernement béninois de rapporter la décision abusive d’annulation du passeport de Komi Koutché et renvoie le reste des demandes au fonds ;

Le 13 Décembre 2019, l’administration américaine conclut également qu’il s’agit d’une poursuite judiciaire sur fonds de persécution politique ;

 Et subitement, 28 janvier 2020, les avocats de Komi Koutché ont été convoqués sur le premier pourvoi. Il importe de rappeler que les avocats dans le pourvoi évoquaient que le mandat de régularisation du 27 décembre 2018 émis sous le prétexte que leur client n’avait pas répondu à une convocation le 18 décembre 2018 était sans objet des lors que les émetteurs savaient que Komi Koutche était incarcérés déjà à Madrid dans cette période. Mais curieusement, le pourvoi a été rejeté. Conclusion : en prison à Madrid du 14 décembre 2018 au 17 janvier 2020, Komi Koutché pouvait par magie, répondre à une convocation à Cotonou le 18 décembre 2018.

Le 10 mars 2020, les avocats de Komi Koutché ont été convoqués pour le 13 mars 2020 par la cour suprême pour le deuxième pourvoi.

Le 11 mars 2020, un redéploiement en conseil des ministres des magistrats au niveau de la CRIET suite au revirement spectaculaire de jurisprudence de la cour constitutionnelle et la prise d’une nouvelle loi pour installer le double degré de juridiction est observé.

Le 12 mars 2020 , le procureur spécial de la CRIET lors d’un point de presse sur la session criminelle qui s’ouvrait le 16 mars 2020 évoquait le dossier FNM pour lequel Komi Koutché fait l’objet de poursuite, parmi le dossier à étudier alors que ledit dossier faisait encore l’objet d’une procédure en cassation et que l’audience de relative à la cassation était pour le 13 mars 2020. Apparemment le procureur spécial sans même que la cour suprême ne statue, connaissait déjà la décision qui serait prise le lendemain de sa conférence de presse par cette dernière.

 Le 13 mars 2020  et sans surprise, la cour suprême rejette le pourvoi et retourne le dossier au procureur de la CRIET comme ce dernier l’avait prophétisée la veille.

Le 24 mars 2020, l’avocat de Komi Koutché reçoit dans son cabinet une sommation à comparaitre adressée à Komi Koutché. En pleine pandémie du coronavirus ou presque tous les aéroports du monde sont fermés on se demande comment Komi Koutché que les émetteurs de la sommation savent qu’il vit à l’extérieur pourra répondre à une telle convocation. A cela il faut ajouter le fait que malgré les injonctions de la cour africaine des droits de l’homme, le gouvernement ne s’est pas exécuté sur l’injonction demandant l’annulation du passeport.

Ce rappel historique et chronologique des faits et évènements a pour mérite de montrer en fait qu’on n’est pas dans une procédure judiciaire mais dans un montage politique dont la finalité est la condamnation par défaut de l’adversaire politique qui fait le plus peur au régime, comme ce fut déjà le cas d’autre opposant en exil.  Dans tous les cas, Komi Koutché a déjà eu l’avantage que ce dossier a été connu par des instance judiciaires internationales qui ont mis à nu le montage.

Par Romuald BOKO