Le trafic de drogue a pris de l’ampleur ces dernières années en Afrique. L’Afrique de l’Ouest est depuis plusieurs années, devenue un couloir de transit pour ce fléau mondial. Selon le dernier rapport de l’Office des Nations Unies Contre la Drogue et le Crime (Onudc), le trafic de cocaïne embrase tous les pays côtiers de l’Afrique.

Edmond Sossou

Depuis quelques mois, au Bénin, au Sénégal, en Côte d’Ivoire et dans plusieurs autres pays côtiers de la sous-région, plusieurs cargaisons de cocaïne et des trafiquants sont arrêtés. Le rythme élevé de cet exploit par les polices de ces différents pays, montre que, le trafic de cocaïne est devenu une religion dans beaucoup de pays africain.

Depuis l’installation du régime de la rupture au Bénin et avec la détermination du Chef de l’État, le Président Patrice Talon, plusieurs tonnes de cocaïne ont été arrêtées par la Police Républicaine. De grands réseaux de trafiquants ont été aussi démantelés. Plusieurs opérateurs économiques véreux impliqués dans ces trafics, ont aussi été mis aux arrêts. La plus grosse prise au Bénin, est évaluée à plus de 2,5 tonnes de cocaïne.

En avril 2022, au niveau de la Côte divoire, la police a arraisonné plus de 02 tonnes de cocaïne, cumultativement à Abidjan et à San Pedro. En 2019, un réseau opérant pour le compte de la N’drangheta, la mafia italienne, avait été aussi démantelé par la police ivoirienne. Plusieurs centaines de kilogrammes de cocaines et de chanvres indiens ont été aussi saisis, au cours de ses opérations de nettoyage.

La Côte d’Ivoire, le Bénin, le Sénégal et d’autres pays de l’Afrique, sont devenus un couloir de transit important pour les trafiquants, à en croire, le rapport de l’Office des Nations Unies Contre la Drogue et le Crime (Onudc).

Selon l’Office des Nations Unies Contre la Drogue et le Crime (Onudc), ces trois dernières années, 57 tonnes de cocaïne ont été saisies dans la Sous-Région.  En effet, depuis 2019, au Cap Vert, 16,6 tonnes de drogue ont été saisies. Au Sénégal, la police sénégalaise a mis les mains sur 05 tonnes de cocaïne. Le Benin et la Côte d’Ivoire ont battu le record avec près de 4 tonnes de cocaïne saisies, 3 tonnes sont saisies en Gambie et environs 03 tonnes en Guinée-Bissau.

État des lieux de ce trafic en Afrique

Ces dernières années, nous avons assisté à des saisies et plusieurs activités liées au trafic de drogue. Selon les responsables de l’Onudc, cette situation est la preuve que l’Afrique de l’Ouest est très vulnérable et constitue un chemin très exploité par les narcotrafiquants.

Récemment sur une chaîne internationale, Amado Philip de Andrés, le Directeur Régional de l’Office des Nations Unies Contre la Drogue et le Crime (Onudc) pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale, dont le Bureau Régional se trouve à Dakar, au Sénégal, a affirmé que, la situation actuelle est plus critique que celle des années 2008. Pour lui, l’Afrique de l’Ouest est devenue un marché du trafic de cannabis. En 2021, 57 tonnes de cannabis ont été saisies dont une grosse saisie de 17 tonnes au Niger.

Selon les enquêtes et le  rapports de l’Onudc, l’Observatoire Européen des Drogues et des Toxicomanies (Oedt-Emccda), l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (Ocde), à Paris et le Groupe d’Experts sur le Mali de la résolution 2541 de 2020 du Conseil de Sécurité, il est noté que, la route du cannabis traverse le Sahel. Plusieurs personnes faisant partie des groupes armés en lien avec les trafiquants de haschisch dans la Sous-Région du Sahel ont été identifiées.

Modes opératoires et les routes emprutées par les trafiquants

Plus de 90% de la cocaïne qui gangrène l’Afrique, passe par la Méditerranée. Selon les experts et les différents rapports officiels sur ce fléau, la cocaïne arrive dans les ports des pays de l’Afrique de l’Ouest, avant de reprendre généralement la mer à destination de l’Europe. Certaines cargaisons passent aussi par le Sahel.

À en croire les mêmes rapports, la drogue se transforme aussi en Afrique de l’Ouest. En effet, en 2021, au Sénégal, un laboratoire a été démantelé et 675 kg ont été saisis par la police sénégalaise.

Dans le rapport de l’Onudc, il est également mentionné que, afin de limiter les pertes en cas de saisies, les narcotrafiquants multiplient les points d’entrée en Afrique de l’Ouest. Ainsi, ces derniers ciblent les pays de toute la Région pour diversifier leurs opérations.

En 2008, pour leurs opérations, les narcotrafiquants utilisaient des sous-marins fabriqués en Amérique du Sud. Cependant, le processus a changé depuis quelques années. En 2019, 2020 et 2021, ces bandits utilisent des bateaux de pêche qui ont été adaptés pour pouvoir acheminer à chaque voyage entre 01 tonne et 02 tonnes maximum de cocaïne.

D’autres changements ont été aussi introduits. Notamment, la dimension internationale qui est donnée au trafic en favorisant l’entrée de plusieurs nationalité dans le réseau. Les européens, Sud-Americain et les africains ont pris le pouvoir dans ce commerce illicite de drogue.

l’Onudc, démontre aussi dans son rapport que, le Cannabis est la drogue la plus consommée en Afrique de l’Ouest. Mais, il a aussi ajouté que, le Tramadol, un Opioïde bien connu, est également très présent en Afrique de l’Ouest et en Afrique centrale.

Les trafiquants de drogue utilisent principalement, trois routes pour faire rentrer leurs marchandises en Afrique, notamment, en Afrique de l’Ouest.

Selon les rapports officiels de l’Office des Nations Unies Contre la Drogue et le Crime (Onudc), la première route, est celle de Nouakchott, sur laquelle passe les produits qui viennent du Maghreb. Cette route, touche les mêmes pays que la deuxième route, la route de la Cocaïne et la troisième qui est, la route de l’Héroïne en provenance de l’Océan Indien.

La route de l’Heroïne, transite par les pays de l’Océan Indien comme le Kenya, l’île Maurice ou les Seychelles. Sur cette route, les marchandises de ces trafiquants, arrivaient auparavant en Afrique de l’Est et remontaient vers l’Europe via le Sahara.

De nos jours et surtout avec l’arrivée du Covid 19, cette route traditionnelle de l’Héroïne en provenance de l’Océan Indien, a connu une modification. Désormais, l’Héroïne transite par l’Afrique de l’Est, va ensuite en l’Afrique du Sud et repart vers l’Europe par la mer, en contournant le continent en bateau via l’Afrique de l’Ouest. Au cours de ces voyages, entre 10% et 17% de L’Héroïne est versé dans les différents pays pour la consommation locale.

La cocaïne, est produite par 03 pays dont  la Colombie, le Pérou et la Bolivie. La cocaïne voyage souvent par le Brésil avant rentrer en Afrique.

Les experts de l’Onudc, estiment que, entre 7% et 10% du trafic se fait par voie aérienne et la plus grande partie voyage par bateau. A en croire ces experts, en 2008, après les saisies, les autorités colombiennes montraient à l’Office, les sous-marins fabriqués en Colombie par ces réseaux criminels.

Il s’agit notamment, des semi-submersibles pour le transport de la drogue. Ces engins coutent aux trafiquants, entre 70 000 et 120 000 euros la pièce. Cependant, ces appareils avec une faible capacités, obligeaient les trafiquants, à utiliser plusieurs jours pour traverser l’Atlantique et remonter vers l’Europe.

Une forte augmentation de la consommation de drogue en Afrique de l’Ouest
Ces dernières années en Afrique de l’Ouest, en dehors de la consommation de cannabis, il y a une forte consommation de cocaïne, de tramadol (un médicament opioïde) et des nouvelles substances psychoactives qui sont produites en Asie.

Au Sénégal, selon les rapports du Comité interministériel de lutte contre la drogue, composé notamment du Ministère de la Santé, du Ministère de l’Intérieur, et de plusieurs universités, il est dénombré, près de 10.000 toxicomanes. Par contre, selon les derniers chiffres de prise en charge, le point fait, est de plus de 24 000 personnes touchées par les effets néfastes de la drogue.

Le Directeur Régional de l’Onudc indique pour sa part que, ce chiffre peut tourner autour de 50.000 personnes dans les 02 prochaines années. L’expert de l’Onudc renchérit en précisant que, de 5% à 8% de la cocaïne qui transitait dans la région, le trafic est passé à près de 17% actuellement. La hausse de ces chiffres, indique qu’il existe à partir du Sénégal, une base de consommateurs qui se développe au niveau régional.

En Afrique de l’Ouest, la consommation de Tramadol, est devenue aussi un véritable problème. Cet opioïde qui provient principalement de l’Asie, a envahi dès 2018, l’Afrique du Nord, surtout, le Maghreb et le Machrek. Avec le temps, le tramadol s’est ensuite répandu comme une véritable pandémie en Afrique de l’Ouest. Selon les experts, ce produit se combine très bien avec l’usage de la cocaïne et parfois avec les nouvelles substances psychotropes. Actuellement, le Tramadol, s’installe en Afrique Centrale.

Les actions des Nations unies face à l’ampleur de ce trafic

Les Nations-Unies à travers l’Onudc, aide  les pays africains, avec une assistance technique de qualité, pour faire face au trafic de drogue qui mine la côte africaine.

Plusieurs programmes internationaux de lutte contre le trafic de drogue, sont mis en place au Sénégal et dans d’autres pays. Il s’agit, de l’Aircop sur le trafic aérien ou le Programme de contrôle des conteneurs, créé en 2003, qui a été développé conjointement par l’Onud et l’Organisation Mondiale des Douanes (Omd).

Ces differents programmes, visent à aider les gouvernements à créer des structures de contrôle durable dans certains ports. Le but, est de minimiser les risques d’utilisation de conteneurs pour le trafic de drogues et la criminalité transnationale.

Les pays africains, ont été aidés à mettre en place des lois pour garantir les droits à l’assistance sanitaire afin, de faire face à l’augmentation dangereuse des consommateurs qui, dans la majorite des cas, ne sont pas des criminels.

Quelques années avant, la déclaration de Praia en 2008, les lois en Afrique, etaient dirigées aussi contre les consommateurs, qui sont également, considérés comme des criminels.

Dans la region francophone, avec le soutien technique de l’Onudc, le Sénégal est désormais, un exemple. Il est suivit, du Cap-Vert dans la zone lusophone et du Ghana dans la zone anglophone.

Il a été aussi mis en place, un cadre de renforcement des capacités des États africains, pour lutter contre le trafic de stupéfiants et la criminalité transnationale organisée.

Pour le Directeur Régional de l’Onudc, la situation au Sahel, où l’accent est seulement mis sur l’aspect militaires pour faire face aux groupes armés, fortement impliqués dans les différents trafics, est inquiétante.

Pour l’expert, la priorité devrait être de soutenir les efforts des pays de la Sous-Région en les aidant, à renforcer leur système judiciaire. Les différents gouvernements, se sont trop focalisés sur le système pénitentiaire comme l’instrument principal pour venir à bout ce phénomène dangereux.

L’Onudc travaille avec la Mauritanie, le Sénégal, tous les pays de la côte, mais aussi avec le Burkina Faso et les pays du Sahel, pour trouver un moyen efficace pour aider les pays de la Sous-Région, à renforcer leurs capacités d’investigation et de coordination inter-pays. La mise en place d’un cadre professionnel de poursuite des délits liés au trafic de drogue, reste aussi une priorité pour les dirigeants de l’Onudc.

Comme dans les prisons du Burkina Faso de nos jours,  il faut étendre à tous les États, le renforcement de la coopération entre les procureurs et le système pénitencier. Les jeunes sont les plus touchées. Ainsi, le chemin de la réinsertion doit être privilégié à côté de l’empoisonnement, pour éviter de graves conséquences aux populations.

Le trafic de drogue a pris une dimension internationale. Les actions pour l’arrêter, ne doivent plus être propre à chaque pays. L’ensemble des pays côtiers touchés par ce mal qui ronge leurs jeunesses et leurs économies, doivent désormais jouer sur une même plateforme de lutte et travailler en synergie entre juridictions africaines et aussi, les juridictions de l’Amérique latine et de l’Europe.